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L’Opération Bernhard : quand l’histoire et la numismatique s’entrelacent

L’univers de la numismatique est souvent tissé de récits et d’événements historiques marquants. Parmi ces épisodes, l’Opération Bernhard se distingue comme une page sombre, mais fascinante de l’histoire mondiale. Plongeons dans les méandres de cette opération de faux monnayage, une histoire qui mêle l’ingéniosité de faussaires nazis et les soubresauts de la Seconde Guerre mondiale.

Le contexte historique

Pour tout comprendre, il est essentiel de remonter aux premières années de la Seconde Guerre mondiale. Alors que l’ombre du nazisme plane sur l’Europe, une opération secrète prend forme, visant à déstabiliser l’économie britannique d’une manière à la fois inattendue et redoutable : la contrefaçon massive de livres sterling.

Reinhard Heydrich est à l’initiative d’une première opération qui prit le nom d’Andreas. Le plan était de faire appel aux faussaires les plus doués du Reich pour façonner de faux billets de banque de la Bank of England. Ensuite, ces faux billets devaient être parachutés en masse sur l’Angleterre.

En inondant le marché anglais de billets, la valeur de la livre sterling s’effondrera et détruira l’économie anglaise. L’Allemagne connaissait trop bien les effets dévastateurs d’une hyperinflation pour l’avoir vécu à la sortie de la Première Guerre mondiale. Elle sait que cette stratégie peut ruiner l’effort de guerre et miner la confiance dans les systèmes financiers des ennemis.

Les machinations de l’Opération Bernhard

L’Opération Andreas

Décortiquons les plans minutieux mis en place par les nazis pour contrefaire la devise étrangère.

L’opération Andreas est dirigée par Alfred Naujocks, un SS qui recrute une équipe pluridisciplinaire composée de scientifiques et de faussaires. Ce sont les meilleurs qui vont s’atteler à reproduire les billets anglais le plus parfaitement possible. Pendant les premiers mois, les coupures britanniques sont d’abord analysées pour en déceler les secrets de fabrication.

Des éléments en particulier donnent du fil à retordre : il faut arriver à déchiffrer l’algorithme du système de numérotation, à déceler la complexité du visuel et les signes de sécurité. Le papier, également, devait être parfaitement identique à celui de la papeterie Portals, fournisseur de la Bank of England. Les Allemands finirent par comprendre qu’il était en réalité fabriqué avec des chiffons de toile pure usagés et nettoyés.

Après sept mois de recherche et d’essais pour copier les livres sterling, le résultat est stupéfiant. Des billets sont expertisés dans une banque suisse, puis par la banque d’Angleterre, elle-même : 90 % des billets sont considérés comme authentiques.

Cependant, à la fin de l’année 1940, Naujocks est limogé par Heydrich qui voit d’un mauvais œil son ascension fulgurante dans l’administration allemande. Les opérations sont donc largement ralenties, jusqu’à l’assassinat d’Heydrich en juin 1942.

L’Opération Bernhard

Heinrich Himmler, l’un des plus hauts dignitaires du Troisième Reich, récupère le projet et le modifie. Il n’est plus question de larguer les billets en Angleterre, mais de blanchir l’argent, afin de financer les opérations de renseignements allemands.

Bernhard Kruger, ingénieur civil et membre de l’état-major SS, ancien faussaire, est nommé à la tête de l’opération qui portera son nom. Cette fois, les personnes recrutées ne sont plus des Allemands de l’administration, mais des prisonniers des camps de concentration.

Les faussaires, triés sur le volet pour leur habileté et leur expertise, sont rassemblés dans un lieu tenu secret, travaillant avec une précision quasi-artistique. Le camp de Sachsenhausen sera le siège de l’Opération Bernhard. L’organisation y est minutieusement orchestrée, les ateliers se dotent de matériel à la pointe pour produire des faux d’une qualité exceptionnelle. Plus de cent détenus se relayent jour et nuit pour façonner les contrefaçons. Un groupe est dédié au vieillissement des papiers-monnaies : ils les chiffonnent et les griffonnent. Une fois imprimés, les billets sont acheminés dans la Tyrol pour être blanchis afin de financer l’effort de guerre et d’acheter des informations aux renseignements.

L’Opération Bernhard était bien plus qu’un simple complot, mais une entreprise secrète d’une envergure inégalée avec des ateliers clandestins cachés dans les replis les plus sombres de l’Europe de la Seconde Guerre mondiale.

Un faux-monnayage d’envergure

Assez rapidement, le 24 septembre 1942, au siège de la banque d’Angleterre à Londres, un employé de banque contrôle une liasse de billets. En reportant les numéros de série dans son registre, d’un billet de 10 livres sterling, il remarque que le numéro de série est déjà répertorié. Le premier faux billet est décelé. La banque de Londres décide d’arrêter les impressions des billets de plus de 10 livres pour prévenir d’une éventuelle inflation.

Les presses fonctionneront jusqu’à la fin de la guerre. Entre 1942 et mars 1945, ce sont plus de 8 millions de billets de 5, 10, 20 et 50 livres qui furent fabriqués pour une valeur totale d’environ 134 millions de livres. En 1945, lors de la déroute nazie, le matériel d’imprimerie et les stocks de billets sont jetés dans le lac Töplitz. La libération du camp par l’armée américaine en avril 1945 n’aura permis de sauver que 30 détenus sur 130.

Des hommes furent chargés de récupérer le matériel, mais on estime que des centaines de milliers de livres sterling ne furent pas retrouvées. On en découvrit par la suite sur les marchés noirs européens, et il est vraisemblable que bon nombre d’entre elles furent acceptées par la Bank of England.

L’Opération Bernhard demeure un chapitre unique dans l’histoire mondiale et de la numismatique. Les faux billets produits dans le cadre de cette opération ont laissé une empreinte indélébile sur les collections de l’époque. Ils font aujourd’hui partie intégrante de l’héritage numismatique, bien qu’ils témoignent d’une période historique sombre.

Sources :
France TV Info
Nbbmuseum
Le site du collectionneur
Mamytwink

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